Kantorow, l'albatros

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Description: 

Alexandre Kantorow est grand, et quand il est debout face au public, il laisse pendre lamentablement ses deux bras sans savoir où poser ses mains. Ce ne sont plus des bras, ce sont des avirons. Il ferait presque pitié, on aurait presque envie de se moquer ; il n'a pas appris à se présenter, il salue, mais sans grâce, presque gêné d'être là. On ne croit pas que ce soit possible d'être aussi gauche et maladroit. Pourtant on lui pardonne.
Un peu avant, il était assis au piano ; assis, c'est peu dire. Il était au piano, ou plutôt le piano était à lui, il en avait pris possession, avec talent, avec ardeur, avec passion. Un corps à corps sans pudeur, une intensité époustouflante pour lui faire avouer tous les accords possibles, les dissonances osées, les lamentos terribles et les joies tendres. Quelle violence, quelle douceur. Alexandre Kantorow ne joue pas du piano avec ses mains, il enlace l'instrument, le force, le soumet, le titille ; ils frémissent ensemble, et comme si on n'étaient pas là, dansent et se pavanent et se relancent et se frôlent et s'inventent des histoires incroyables. La scène est trop petite, le ciel pas assez vaste, l'azur est son domaine, il hante les nuées ; rapidement, ils font le tour de la terre, nous aussi.
Impossible de rester coincé sur son siège, il vous emporte, le cœur bondit, l'imaginaire se perturbe, l'ouragan qui s'annonce ne saurait faire plus d'effet ; tourbillon,tempête, ou brise légère d'indolent compagnon. Seuls les bravos nous brûlent la gueule. Nos deux mains à nous ne servent qu'à applaudir.
Kantorow ne joue pas de la musique, il est la musique.